L’éclaire
L’éclair
Janvier 2020. A l’atelier, ma tronche partout ! Cela a quelque chose de gênant. Combien d’heures passées devant ce miroir installé pour l’occasion à côté du chevalet ? Drôle de face à face quotidien à l’ère du selfie.
Qui es-tu, toi, de l’autre côté du miroir ?
Au début j’ai peins des tournesols à côté de ma tête. Souvenir de l’été et hommage à un autre peintre. Ensuite j’ai convoqué les végétaux que je peignais après la mort de ma mère. Maintenant tout cela coexiste et devient matière à explorer, sur un même plan : le végétal et l’humain. Le tremblement de la feuille dit la même chose que le battement de ma paupière.
Tantôt je commence par dessiner cette feuille, tantôt je commence par l’œil ou l’oreille, pour rendre plus imprévisible l’œuvre en train de naitre. Mais au fond, n’est-ce pas « l’humain », tout simplement, que je guette ? Ce que nous avons en commun.
A travers un visage, toujours le même, peut t-on dire tous les visages ? Si « je est un autre », il faut lui arracher un lambeau de vérité ! Mais ce que j’appelle par facilité « vérité », n’est pas seulement ressemblance physique, mais…quel autre mot utiliser ?
Jour après jour, je scrute ce miroir avec l’espoir de voir surgir quelque chose d’inattendu, une forme plus juste et plus nue. Arracher le masque, les masques . Ces traits, sans le vouloir, formeront un éclair qui foudroie toutes les apparences pour devenir apparition. Ces traits venues du néant blanc de la feuille de papier deviennent l’image d’un visage qui pourrait disparaître la seconde d’après.
Présence et fragilité. Simultanément. Je crois que c’est cela que je cherche.
C’est mon visage que je peins mais ce n’est pas moi qui compte. Mon visage n’est que support d’une exploration qui appelle le surgissement d’une présence. Elle reste un mystère.
Maintenant j’ai réduit les moyens au strict minimum. Du papier et un crayon. Pour aller à l’essentiel, vers le plus dépouillé, le plus nu, je ne veux rien d’autre que ce crayon !
Parfois je fais comme une percée en dehors de ce que j’appelle mes murs. Mais l’éclair…je ne l’ai pas vu et je commence un autre dessin…
image d’atelier janvier 2020 ©jorglanghans